Dans cet article, nous nous intéressons à la propriété connue sous le nom de "La Chaumière", bien qu'on n'y aperçoive plus aujourd'hui aucun toit de chaume. Ce nom est plutôt lié à l'association, créée en 1997, qui a fait de cette propriété un centre de vacances puis un centre équestre, dont l'activité a cessé en 2020. Mais pour certains, cette propriété est aussi connue sous le nom de l'Oasis : de 1968 à 1997 en effet, elle a abrité une maison d’enfants (M.E.C.S. ; 30 enfants à Corny), fondée par le docteur Bernard, que l'on retrouve maintenant aux Andelys (Foyer Familial l’Oasis).
La propriété est ancienne, et les murs (à pan de bois ou en brique et silex) de certaines des dépendances remontent aux XVIe et XVIIe siècles, tandis que le logis remonte lui sans doute au début du XIXe siècle.
"Corny : Seigneuries de Corny, Huval et Lamarette : terrier et plan" (détail), 2e moitié du XVIIIe siècle, Archives départementales de l'Eure (cote 2F/2488) |
Comme toujours, le "terrier et plan" de Corny qui date du milieu du XVIIIe siècle nous livre le nom du premier propriétaire connu ; Jean-Louis Guesnier. Sur ce plan, on remarque que la grande bâtisse actuelle n'existe pas encore, mais que de nombreuses autres dépendances, dont on trouve encore tout ou partie, sont représentées.
Né le 22 septembre 1699 à Château-sur-Epte, commune située à 20 km de Corny, Jean-Louis Guesnier est un receveur pour l'abbaye de Jumièges, puis à partir de 1750 pour l'Evêque de Metz. Il décède le 26 mai 1765 dans le village de Guisenier, berceau présumé de la famille, comme la proximité du patronyme le laisse penser. Il avait épousé en 1728 Marie Anne Bourdon (1693-1775), veuve Belin, qui léguera à sa mort la propriété à sa petite-fille Marie Catherine Lefèvre, née Belin.
La fin du XVIIIe siècle et le début du XIXe voient ensuite plusieurs propriétaires se succéder :
Marie Catherine Lefèvre vend en 1794 la propriété à Marin Pierre Lequesne, qui possède de nombreuses autres parcelles dans le village, et qui y loge un fermier, "Chaumont", pour les cultiver.
Détail du registre des contributions foncières pour l'année 1796 (Archives de la mairie de Corny) |
Son fils François Pierre Lequesne en hérite et vend le tout en 1798 à Louis Charlemagne L'huillier (25/01/1760-25/02/1850), propriétaire résidant aux Andelys et à Paris. Il est possible là encore qu'il s'agisse d'un investissement et que les L'huillier n'habitèrent jamais leur propriété à Corny, pour y placer un fermier. Malheureusement, les registres de contributions foncières manquent pour les premières décennies du XIXe siècle, et on ignore l'occupation exacte de la propriété ; peut-être le fermier Chaumont travaillait-il aussi pour la famille L'huillier ?
Enfin, en 1816, la propriété, ainsi que de très nombreuses parcelles dans le village, sont achetées par Jean-Baptiste Mélissent (1767 ?-14/07/1843), à l'époque maire de la commune de Senneville (aujourd'hui disparue et remplacée par les deux communes d'Amfreville-sous-les-Monts et de Flipou).
La matrice cadastrale pour les années 1830 à 1915 dénombre au nom de Jean-Baptiste Mélissent pas moins de 77 parcelles dans le village, dont 64 de terres de labours, 4 terres en friche, 3 bois, 2 vergers, 1 jardin et trois parcelles avec maisons et bâtiment. C'est à cette époque l'un des plus riches habitants du village avec la famille Bertaut qui possède la grande ferme du manoir de Corny.
Détail du registre des contributions foncières pour les années 1826 à 1828 (Archives de la mairie de Corny) |
Plan du cadastre de 1830 (détail - Archives de la mairie de Corny) |
Jean-Baptiste Mélissent est une personnalité importante du village, dont il devient le maire de 1827 à sa mort en 1843 (voir cet article ici). Il joue aussi un rôle dans l'arrondissement en siégeant, les dernières années de sa vie, au Conseil d'Arrondissement des Andelys.
Plus intéressant encore, on trouve dans le Recueil de la Société d'agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l'Eure, une communication écrite par Jean-Baptiste Mélissent en 1837, intitulée "Observations sur l'ancienne et la nouvelle culture" (source : BnF - Gallica). Il y fait part de son expérience agricole remontant aux années 1780, alors qu'il devait être un tout jeune homme (14 / 15 ans) et qu'il travaillait sur les terres de son père, sans doute à Senneville.
Les recensements conservés dans les archives de la mairie de Corny montrent le couple en 1836 avec une domestique nommée Honorine Eulalie Legras, âgée de 25 ans, et en 1841 avec 2 domestiques cette fois ; Joséphine Dubus et Frédéric Vaillant. A la mort de Jean-Baptiste Mélissent, c'est sa veuve Marie Madeleine Adélaïde Mélissent née Canu qui va hériter de tous les biens ; on ne connaît pas d'enfants au couple. Elle n'est toutefois plus présente dans les recensements et il est très possible qu'à la mort de son mari elle se soit retirée dans une autre des propriétés du ménage. Elle décède le 15 septembre 1861, à l'âge de 89 ans. Les biens sont alors mis en vente, comme cette annonce publiée dans le journal "Le constitutionnel" du 28 avril 1862 en témoigne :
On le voit, la liste des biens à vendre est longue, et ne concerne pas le seul village de Corny. Bientôt, un nouveau propriétaire va acquérir la propriété qui nous intéresse : il s'agira de Louis François Alexandre Bertaux...
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