Cette année est commémoré le cent-cinquantième
anniversaire de la fin du second empire ; c'est en effet la guerre entre la
France et la Prusse en 1870 qui mit fin à l’empire et permit la naissance de la IIIe
République. Il est intéressant de traverser cette période de l’histoire de France
et celle de notre village à travers les adresses que le conseil municipal
envoya au couple impérial entre 1852 et 1870.
L’accession au trône impérial de Louis Napoléon Bonaparte,
élu président de la République en 1848, se fit par le coup d’état du 2 décembre
1851, par lequel le Président organisa un plébiscite pour permettre sa ré-élection
puis la proclamation de l’empire le 2 décembre 1852. Le conseil municipal de
Corny n’est pas en reste pour réagir :
L’an Mil huit cent cinquante-deux, le dimanche cinquième
jour du mois de décembre, les membres du conseil municipal de la commune de
Corny se sont réunis au lieu ordinaire de leurs séances à 8h du matin sur la
convocation de Monsieur le Maire. Etaient présents M.M. Baudot, adjoint, Lemelle, Normand
Dominique, Cercelot François, Mercier D, Masson F, Masson Désiré et Demelle.
Monsieur le Maire expose au conseil que le but de la réunion
est d’inaugurer l’avènement de Louis Napoléon au trône impérial de la manière
la plus digne en distribuant aux pauvres de la commune les objets de première
nécessité :
1 A la veuve Courbet un pain de 3 kg
2 A Octavie Fanchon dîte Lesueur 3 kg
3 Delaplace Alexandre 6 kg
4 Veuve Darras (fille Julie Rubet) 3 kg
Plus 13 bourrées dont 3 à la veuve Courbet, 3 à la fille
Fanchon, 3 à la veuve Darras et enfin 4 au sieur Delaplace Alexandre. Le but de
la réunion étant rempli, nous avons signé la présente délibération dont une copie
sera envoyée à Monsieur le préfet.
Bon pour 15 kilogrammes de pain blanc, et treize bourrées
En la mairie de Corny, les jours, mois et an que dessus.
L’occasion suivante pour le conseil municipal de manifester
son soutien à l’empire se présente en janvier 1853, à l’occasion du mariage de
l’empereur avec Eugénie de Montijo, Comtesse de Téba, dans la Cathédrale Notre-Dame
de Paris. L’adresse ci-dessous est rédigée au conseil municipal de Corny le 27
février 1853 :
L’an Mil huit cent cinquante-trois, le vingt-sept du mois de
février à neuf heures du matin (…), Monsieur le Maire propose ensuite au
Conseil de voter une adresse à Sa Majesté l’Empereur pour lui exprimer tous les
vœux sympathiques qu’inspire au pays l’union solennelle qu’il vient d’accomplir
avec son excellence Mademoiselle Eugénie Comtesse de Téba.
Le Conseil plein de reconnaissance pour Sa Majesté l’Empereur
qui, par son énergie sauva la France des horreurs de la guerre civile le 2
décembre 1851 se rend à l’unanimité à la proposition de Mr le Maire et vote à S
M l’adresse ci-après :
Le Maire, l’adjoint, tout le conseil municipal et l’Instituteur
public de la commune de Corny, arrondissement des Andelys, Eure.
Sire,
En rendant à la France l’empire héréditaire, vous avez
achevé l’œuvre glorieuse du 2 décembre 1851 par laquelle vous sauvâtes la
patrie des horreurs de la guerre civile. Par l’union solennelle que votre
Majesté vient de contracter avec son excellence Mle Eugénie Comtesse de Téba le
29 janvier dernier, vous répondez aux vœux de tout le pays, Sire, en lui
promettant une descendance directe destinée à perpétuer la force et la grandeur
de cette couronne impériale que Dieu vous réservait ce que la volonté du peuple
français a posée sur votre tête.
Nous venons donc, Sire, vous exprimer les vœux ardents que
nous formons pour le mariage de Votre Majesté avec Mlle la Comtesse de Téba et
vous supplions ainsi que S.M. l’Impératrice de croire à toute la sincérité de
notre amour et de notre dévouement. Vive l’Empereur, vive l’impératrice !
C’est ensuite, tout naturellement, la naissance d’un
prince-héritier qui réjouit le Maire et ses conseillers, qui envoient alors
cette lettre aux heureux parents :
A Sa Majesté l’Empereur des Français
Sire,
Le Ciel, en vous donnant un Fils, a comblé les vœux de tout
le pays et notre joie a été vive en apprenant la naissance de cet enfant qui
est pour le monde entier un nouveau gage de sécurité et de grandeur.
Nous adressons donc, Sire, à Votre Majesté nos respectueuses
félicitations et la prions de déposer nos hommages aux pieds de notre auguste
Souveraine pour l’évènement heureux qui remplit d’allégresse toute la Nation.
Le Maire, L’adjoint, l’instituteur, les conseillers
municipaux
Napoléon III connaît de nombreux opposants tout au long de
son règne ; il y répond par une répression féroce contre tous ceux qui contestent
son pouvoir ; Victor Hugo s’exile ainsi à Jersey de 1851 à 1859, Edgar Quinet
part quant à lui pour la Belgique pour un exil de 7 ans. La presse est muselée
et la censure empêche toute critique du pouvoir en place. Le 14 janvier 1858, un
attentat est perpétré contre le cortège impérial alors qu’il se rend à l’Opéra,
situé à l’époque rue Le Peletier à Paris. Plus de 150 personnes sont blessées,
8 perdent la vie, mais le couple impérial, protégé par le carosse blindé dans
lequel il circule, sort indemne de l’attaque et se rend à la représentation comme
prévu, souhaitant ainsi rassurer l’opinion publique sur leur état de santé.
Cette fois encore, le conseil municipal exprime son émotion
à l’empereur et à l’impératrice :
L'an 1858 le conseil municipal s'est réuni le 17 janvier à
4h du soir en session extraordinaire sur la convocation de Monsieur le Maire
afin de rédiger une adresse pour exprimer à leurs Majestés Impériales le
bonheur de toute la commune en apprenant qu'elles ont échappé par miracle à la
mort donc elles étaient menacées par les attaques nocturnes de quelques
assassins qui pour l'honneur Français sont étrangers.
Adresse :
Le Maire, le conseil municipal et l'instituteur public de la
commune, canton des Andelys, etc. etc. à sa majesté Napoléon III empereur des
Français
Sire, la Divine Providence, en faisant avorter les projets
infernaux de quelques misérables qui, dans la soirée du 14 janvier présent
mois, attentèrent à vos jours ainsi qu'à ceux de notre Auguste souveraine
l'Impératrice Eugénie, votre épouse bien-aimée, sauva la France du malheur le
plus épouvantable ; la guerre civile.
O Prince, que serions-nous devenus si ce crime dont la seule
pensée glace de terreur avait été consommé ? Dieu le sait !
Permettez-nous, Sire, de venir déposer à vos pieds nos
hommages d'un dévouement inspiré par la reconnaissance et nous supplions
l'auteur de toutes choses de continuer à vous protéger, car en protégeant votre
Majesté et l'impératrice, Dieu nous protège tous. Nous sommes heureux, Sire, de
pouvoir venir vous peindre le bonheur dont nos cœurs ont joui par la nouvelle
de la conservation des jours de notre Empereur et de son illustre compagne.
Vive l'Empereur, vive l'Impératrice, vive Napoléon IV !
Fait et voté à l'unanimité le 17 janvier 1858
La fin de l’empire sera peu glorieuse, la guerre contre la Prusse
humiliant le pays, et par là même son régime. L’empereur défait à Sedan le 4
septembre 1870, restera prisonnier de la Prusse jusqu’en mars 1871. Malade, il
rejoindra alors l’impératrice dans son exil en Angleterre et y mourra en
janvier 1873. L’impératrice Eugénie quant à elle devra subir la perte de son
fils en 1879, tué dans la guerre anglo-zoulou menée par l’Empire Britannique en
Afrique du Sud ; elle mourra le 11 juillet 1920 à Madrid.
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Cachet de la Mairie de Corny sous le second empire de 1852 à 1870
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