Anna-Noémie Charbonneaux naît le 19 mars 1858 à Chaumont Porcien, petite commune du département des Ardennes, d’un père charron et d’une mère blanchisseuse. Jeune femme, elle quitte son village pour vivre à Paris. Le registre d’état civil de la ville de Paris (3ème arrondissement) enregistre le 30 octobre 1881 la naissance d’Emile Charbonneaux, fils de « Noémie Charbonneaux, âgée de 22 ans, employée de commerce, demeurant à Paris rue Richer 20 et de père non dénommé. ». Au regard de cet acte, est notée à la marge la mention suivante :
« Par acte reçu le premier mai mil huit cent quatre-vingt-trois à la mairie du dixième arrondissement de Paris : Pétrus Vanloo et Maria Noémie Charbonneaux ont reconnu pour leur fils l’enfant enregistré ci-contre (…) »
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| Archives de la Ville de Paris |
Le prochain acte d’état civil qui va concerner Anna / Maria Noémie Charbonneaux va annoncer une nouvelle destinée pour cette femme d’origine modeste : le 30 octobre 1884, elle épouse dans la mairie du 10e arrondissement Pierre Van Loo, « né à Lokeren (Belgique) le quatre février mil huit cent vingt et un, rentier, domicilié à Corny, Les Andelys (Eure) ». Il est âgé de 63 ans, elle de 26 ans. Les témoins sont pour le marié un commissaire de police et un courtier en vins, et pour la mariée un employé et un limonadier.
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| Archives départementales de l'Eure |
Cet acte nous apprend donc que Pierre (ou Pétrus) Van Loo (ou Vanloo) vit à Corny dès 1884, dans le château acheté par son fils deux ans plus tôt. Les jeunes mariés vont dès lors s’installer et vivre à Corny, comme en témoigne un nouvel acte d’état civil, enregistré à la mairie de Corny cette fois, pour la naissance le 7 novembre 1887 de leur enfant prénommé Karl Jean-Jacques. On ne trouve plus mention de cet enfant dans aucun recensement par la suite ; il meurt en effet à 5 mois à peine chez sa nourrice à Etrépagny le 4 avril 1888.
Le château est désormais habité par Pierre et Anna-Noémie Charbonneaux Vanloo. On ignore si la maison de gardien était habitée ? Si sa construction remonte sans doute à celle du château et des dépendances, il semble qu’elle ait d’abord compris un seul niveau de plein pied, et que son étage fut ajouté postérieurement, les briques formant les murs de l’étage étant beaucoup plus récente que celles du rez-de-chaussée.
Anna-Noémie Charbonneaux est le nom qui apparaît dans les contributions foncières, ce qui pourrait signifier que Pierre Vanloo ait décidé de mettre ce bien au nom de son épouse, d’origine modeste, pour lui assurer une situation après sa disparition. Il est à noter que sur chaque registre de contributions foncières est notée l’adresse parisienne d’Anna-Noémie Charbonneaux, ce qui laisserait penser que le Château de Corny n’était pas la résidence principale du couple. Au décès de Pierre Vanloo, le 1er janvier 1904, le registre d’état civil de la maire du 17e arrondissement mentionne comme « domicile conjugal » une autre adresse parisienne, Rue des Ternes cette fois.
Les recensements sont une autre source d’information, plus intéressante que les registres fonciers car plus complète sur la composition du ménage. Ainsi pour le recensement de 1886, on trouve Pierre Vanloo, son épouse [Anna] Noémie, Emile, le fils que Pierre Vanloo a reconnu comme sien en 1883, et une domestique.
Archives de la Mairie de Corny
En 1891, trois personnes occupent le château lors du passage de l’agent recenseur : Pierre Vanloo, Anna Noémie Charbonneaux son épouse, et Léonie Antoine, la mère d’Anna-Noémie. Cette dernière déclare avoir 30 ans ; elle en a 33 en réalité… On verra que cette coquetterie va se répéter par la suite.
Pour le recensement de 1896, on retrouve Pierre et Anna-Noémie Vanloo, Emile, ainsi que le nom de la « domestique à gages » : Gisèle Denesle. La famille Denesle est bien présente dans les registres d’état civil de la commune à la fin du XIXe et au début du XXe siècles. Cette fois encore, Anna-Noémie Charbonneaux, déclare à l’agent recenseur être âgée de 33 ans, alors qu’elle en a 38 en 1896…
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| Archives de la Mairie de Corny |
Quelques années plus tard on trouve une lettre d’Emile Vanloo, à l’entête d’un hôtel parisien, adressée à la mairie du village pour déclarer qu’il ne possède plus de bicyclette à Corny et demander l’exonération de la taxe correspondante (ci-contre).
Anna-Noémie Charbonneaux quittera Corny au moment de la mort de son mari, dans les années 1903-1904. Sur l’acte de décès de son époux en janvier 1904, elle déclare être âgée de 42 ans, alors qu’elle en a 46.
Un fait divers en juin 1908 évoque une « Mme veuve Vanloo » blessée par son amant. Cette femme de 44 ans pourrait-elle être Anna-Noémie Charbonneaux, qui aurait triché une fois encore sur son âge ?...
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| Journal "La Justice" du 3 mars 1908 (c) Gallica BnF |
Les dernières années d’Anna-Noémie Charbonneaux ne furent peut-être pas les plus heureuses. Emile Vanloo, son fils, se marie en 1905 et meurt à l’âge de 33 ans, le 2 octobre 1912. Anna-Noémie vit seule au 154 boulevard Pereire à Paris dans le 17e arrondissement, et se déclare au recensement de 1926 comme « manœuvre » ; elle est alors âgée de 68 ans.
Elle décède à son domicile le 25 mars 1933. Elle sera inhumée au côté de son époux Pierre Vanloo au cimetière de Saint-Ouen, sur une concession de courte durée aujourd’hui disparue.
Première carte postale du château
Cette carte postale a été éditée par le photographe A. Lavergne de Vernon, comme de nombreuses autres cartes du village. Postérieure à 1904 (année à partir de laquelle le verso d’une carte n’est plus réservé exclusivement à l’adresse mais est divisé en deux pour permettre la correspondance) elle date probablement des années 1905 à 1910. Le château semble habité, les volets sont ouverts, mais le jardin semble peu entretenu le jour où la photographie est prise. La marquise d’origine est toujours en place.
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| Carte postale ancienne du château vers 1900-1910 |
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