mardi 16 février 2021

Histoire du château de Corny (2) Albert Vanloo et son père Pierre Vanloo (1882–1886)

C’est donc par un acte notarié établi aux Andelys en février 1882 que Joseph Leroy, notre premier propriétaire et bâtisseur du château, vend sa propriété à un certain Monsieur Vanloo. Les registres des contributions foncières vont en effet faire apparaître le nom d'Albert Vanloo pour le rôle de 1884 (portant sur l'année 1883). 

Albert Vanloo naît le 10 septembre 1846 à Ixelles, en Belgique. 

Portrait d'Albert Vanloo par l'atelier Nadar (c) Gallica BnF

Son père, Pierre ou Petrus Vanloo, est établi en France depuis de nombreuses années et dirige une entreprise florissante de menuiserie. Il se spécialise dans « les sièges, l’ameublement, les plafonds de wagons de première classe en ébénisterie » dans le quartier de la Bastille, au 17 rue Sedaine. Il est l’inventeur d’un procédé de sièges articulés qui fit sa gloire et sa fortune. 

Publicité pour les sièges articulés conçus par Pierre Vanloo

Il fut ainsi retenu pour participer à l’aménagement des pavillons de l’industrie à l’exposition universelle de 1867, et décrocha également le contrat d’aménagement des wagons restaurants de la compagnie des chemins de fer. Il possédait au 17 rue Sedaine non seulement un magasin mais aussi une « usine à vapeur » pour la fabrication des sièges de son invention.

Pierre Vanloo mit fin à son activité assez jeune, à 54 ans, en 1875. Le 13 août 1875, son épouse et la mère d’Albert, Jeanne Victorine Verschueren, décède et il cesse son activité à ce moment là.

Pierre Vanloo a assuré à son fils unique une très bonne éducation, au Lycée Charlemagne à Paris, puis à l’école de Droit. Le contexte familial inspira peut-être au jeune Albert une autre vocation que le droit, plus artistique celle-là. Dans son livre « Sur le plateau – souvenirs d’un librettiste », Albert Vanloo évoque notamment Alexandre Dumas père, comme un ami « très lié avec ma famille », et partage ses premières émotions théâtrales avant la guerre de 1870. Il évoque en ces mots ses débuts au théâtre :
 « C’était l’année d’avant la guerre [1870]. Nous étions, Leterrier et moi, tout à fait des débutants : lui, simple expéditionnaire à l’Hôtel de Ville ; moi, suivant encore – d’un peu loin – les cours de l’Ecole de Droit, où, malgré mon peu d’assiduité, je venais de décrocher quand même mon diplôme de bachelier : le courage m’a manqué pour le reste. »

Albert Vanloo, se lia en effet d'amitié avec Eugène Leterrier, alors employé à l'Hôtel de Ville et fréquentant plus assidûment les coulisses des théâtres que son bureau. Les deux amis composèrent leurs premières pièces ensemble.

Détail d'une affiche pour l’opérette Giroflé - Girofla
(c) Banque d'images BnF

Peut-être trouve-t-on entre les lignes des livrets d’Albert Vanloo quelques éléments de son histoire personnelle et familiale. Ainsi, dans la pièce « Papa », cette évocation d’un bourgeois venu de nulle part et qui a su faire fortune par son travail rappelle l’itinéraire probable de son père, arrivé avec les vagues migratoires belges au milieu du XIXe siècle… : « Tel que vous me voyez, je suis venu de Romainville à Paris, à pied et en sabots. J’étais alors simple ouvrier menuisier… Et, en quatre ans, je suis devenu entrepreneur ! (…) Et dix ans après, je me retirais dans une maison à moi… »

Après des débuts de carrière au théâtre à la fin des années 1860, les deux compères commencent l’écriture de livrets d’opérettes, activité qui fera réellement leur fortune, à l’un comme à l’autre, dès le début des années 1870.  On note, parmi les succès qui s’enchaînent pour les deux librettistes, de nombreux classiques du genre, parmi lesquels « La fille de Mme Angot », « Giroflé Girofla », « Le petit poucet », ou « Le voyage sur la lune », écrits pour des compositeurs tels que Charles Lecoq, Emmanuel Chabrier ou encore Jacques Offenbach.

Couverture de la partition chant et piano de
l'opérette Giroflé - Girofla (c) Gallica BnF

Albert Vanloo épouse Marie Angélique Lefevre le 16 mars 1883, 3 mois après la naissance de leur première fille, Victorine Vanloo (qui deviendra Baronne de Mullenheim et mourra en 1981). Une deuxième fille naît le 24 septembre 1884 mais meurt en bas âge le 20 mars 1886. Marie Angélique fait une carrière de chanteuse lyrique puis de professeure de chant, dans un registre plus classique que l’opérette, sous le pseudonyme anagramme de Mme Novalo ; elle reçoit les palmes académiques en 1897. Il est fait chevalier de la légion d’honneur en 1900 et mènera jusqu'à sa mort une longue et belle carrière de librettiste enchaînant les succès, parmi lesquels l’opérette « Véronique », et son célèbre titre « Poussez, poussez l’escarpolette », sur la musique d’André Messager.

Il meurt le 4 mars 1920, des suites d’une longue maladie. Il est enterré au cimetière de Passy.

Albert Vanloo ne reste pas longtemps propriétaire du château pourtant, il est présent sur les registres des contributions foncières jusqu’en 1900 pour une ou plusieurs parcelles non soumises à l’impôt des portes et fenêtres (sans doute des champs de labour ou des vergers). 

Ainsi, il apparaît dans les contributions foncières de 1886 à 1900, sur une propriété non soumise à l’impôt sur les portes et fenêtres, et pour laquelle il perçoit un loyer. On le retrouve aussi tous les ans de 1883 à 1897 sur le Rôle de la taxe municipales sur les chiens, où il apparaît comme possesseur d'un à quatre chiens. Il y est mentionné comme « propriétaire à Corny ». Il est enfin présent tous les ans de 1884 à 1902 sur le rôle des prestations (impôt calculé sur le nombre de chevaux et voitures pour financer l’entretien des chemins vicinaux) pour un cheval et une voiture à deux roues. Il semble qu’il quitte définitivement Corny après 1900, son nom apparaît en effet rayé sur le registre des contributions foncières des années 1900-1903.

Il est difficile de savoir ce qu’Albert Vanloo faisait à Corny après 1886, date à laquelle les registres fonciers font apparaître un nouveau nom. Ses possessions y étaient-elle de simples placements, et payait-il les taxes sur les chiens et le rôle des prestations pour son père, qui n’apparaît pratiquement jamais sur ces registres ? Avait-il acheté le château pour y loger son père, avant que celui-ci ne le lui rachète pour le mettre au nom de sa jeune épouse ? 

Toujours est-il qu’en 1886, l’impôt sur les 2 portes et 32 fenêtres, qui correspond à notre château, est payé par Mme Anna-Noémie Charbonneaux, notre nouvelle propriétaire…

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