mardi 9 février 2021

Histoire du château de Corny (1) Joseph Leroy, 1870-1882

Notre premier propriétaire et bâtisseur du château s’appelle Joseph Marie Leroy.

bordereau de nomination Joseph Leroy maire 1860 Corny Eure
Bordereau de nomination du Maire de Corny, 1860 (cote 3M644)
Archives départementales de l'Eure

Joseph Leroy est né le 7 mars 1812 à Suzay. Il épouse le 5 novembre 1833 Perpétue Mabire au village du Thil. Domicilié à « Frenele » hameau de Boisemont (actuel Saint-Jean de Frenelle), il est "entrepreneur de route". Il apparaît dans le recensement du village de Corny de 1836 comme « cultivateur », âgé de 24 ans, avec sa femme Perpétue et son premier fils Joseph. Il devient maire de Corny à l’âge de 48 ans, en 1860 (après avoir été membre du conseil municipal dans la mandature précédente), en remplacement de M. Delaisement, comme en témoigne le bordereau de nomination de la Sous-Préfecture des Andelys. Il est signalé au recensement de 1866 au lieu-dit du Pâtis, avec sa femme et un domestique. 

En 1869, la Sous-Préfecture autorise l’installation d’une briquèterie « sur une pièce de terre que [Joseph Leroy] possède dans la commune ». Il est plus que probable que la briquèterie fut créée pour la construction du château, des dépendances et des murs qui l’entourent.

autorisation briqueterie Joseph Leroy maire 1869 Corny Eure
Autorisation de création d'un briquèterie, 1869
Archives de la Mairie de Corny



Cette briqueterie fut installée rue Saint-Jean, côté des n° impairs, là où se trouve la dernière maison de cette rue, près du calvaire. Le registre des mutations foncières indique pour l’année 1869 sur cette parcelle (alors n° 123) la construction nouvelle d’un four à briques. Et, en effet, un propriétaire de cette maison en jardinant eut la surprise, il y a quelques années, de découvrir un grand trou sur son terrain, rebouché grossièrement par des bastaings, et que les anciens du village expliquèrent, à l’époque, par la présence d’une briquèterie au siècle précédent. Le four à briques sera finalement démoli en 1880. 

Un plan de rectification des chemins vicinaux dressé en 1869 (ci-dessous) montre une première esquisse, au crayon, du château en projet ou peut-être déjà en cours de construction…

plan chemins communaux 1869 corny eure (détail)
Détail du plan de redressement du chemin de Fresne à Corny
Archives de la Mairie de Corny

Tous ces éléments permettent de dater précisément la construction du château par Joseph Leroy à l’année 1870. Il est très probable que la guerre franco-prussienne retarda considérablement les travaux. Toujours est-il que, lors du recensement de 1872, le ménage Leroy-Mabire réside dans le lieu-dit du « bout de la rue » qui correspond au « centre » du village, le long de la rue Saint-Jean actuelle ; ils occupent donc le nouveau château, de même qu’au recensement de 1876. 

Joseph Leroy fait partie des grands propriétaires du village. Les archives de la Mairie de Corny recensent pas moins de 33 parcelles foncières à son nom. Il construira outre son four à briques, le château et ses dépendances, 4 autres maisons sur plusieurs parcelles : l'une près du Pâtis en 1849, une autre à côté du four à briques en 1872, et deux autres enfin sur le hameau de Frenelles en 1873, au bord de la route nationale de Paris à Rouen. Il est à noter que son voisin, Alphonse Lachartre, officier de la garde nationale, et élu maire en 1876, profitera sans doute de la  présence de la briquèterie pour, en 1872, démolir partiellement sa maison, et la reconstruire en partie en 1876 ; c'est la deuxième demeure bourgeoise de la rue Saint-Jean, appelée sur cette carte postale "le Château".

carte postale ancienne corny eure château
Carte postale ancienne (vers 1910) du 2ème "château" de Corny

Joseph Leroy restera maire de Corny jusqu’en 1875. Des élections municipales ont lieu en novembre 1874, le conseil municipal est installé et Joseph Leroy réélu maire en janvier 1875. Pourtant, il démissionne peu de temps après, et cède la place à l’âge de 63 ans en juin 1875 à Louis Bertaux, propriétaire de la ferme du manoir de Corny. La démission de Joseph Leroy quelques mois seulement après sa réélection s'explique par de fortes tensions entre le maire, son conseil municipal et même une partie des villageois ; ces tensions donneront lieu à l'affaire de Corny, détaillée dans cet article. Ce que l’on devine en tous les cas à partir de quelques vieux papiers trouvés dans les archives de la mairie du village, c’est que M. Leroy avait un fort caractère… Ce petit mot rédigé à propos d’un litige qui se retrouva devant le tribunal des Andelys est assez révélateur de sa personnalité : 

Litige joseph leroy 1877 corny eure
Archives de la Mairie de Corny

« Ces deux exploits ont été présentés trois fois. Aujourd’hui samedi à 2h ils ont été remis à Mme Leroy mère.
M. Leroy qui était chez lui a fait courir après le garde champêtre, auquel on les a rendus en disant de sa part : qu’on pouvait les déposer où l’on voudrait, mais que ça ne le regardait pas, et qu’il les refusait.
Le 8 septembre 1877
 »

Un arrêté du conseil municipal pris peu après sa démission laisse aussi supposer que les décisions prises par M. Leroy en tant que maire ne faisaient pas l’unanimité : ainsi le 5 août 1875, on peut lire dans l’arrêté municipal pris par le nouveau maire sur le bornage de la commune de Corny : 

« Nous maire de la commune de Corny,
Vu le bornage opéré sans autorisation par notre prédécesseur sur les chemins ruraux et sentes de la commune de Corny.
Considérant que l’opération faite par notre prédécesseur n’a pas eu lieu dans les formes et les règles prescrites par les instructions et qu’elle n’a jamais eu la sanction de l’administration.
Arrêtons :
Les bornages et alignements opérés par M. Leroy Joseph père notre prédécesseur sur les chemins ruraux et sentes de la commune sont nuls et de nul effet. 
» 

Le bornage auquel il est fait référence est sans doute celui qui modifia en 1869 le tracé du chemin vicinal n°22 de Fresne l’Archevêque à Corny qui passe, en parallèle de la rue Saint-Jean, derrière la parcelle n°79 et celles qui l’entourent. En effet, lorsque Joseph Leroy se prépare à construire le château, il organise, en tant que maire, la modification du tracé de ce chemin, ce qui a pour effet d’augmenter sensiblement la dimension de sa parcelle mais surtout de rendre droite cette limite, rendant l’édification du mur de clôture plus facile. On aperçoit aujourd’hui encore une partie de l’ancien mur de la parcelle voisine, qui était déjà une propriété bâtie et close de murs en 1869. 

Mme Perpétue Leroy née Mabire décède le 12 novembre 1879, comme en atteste le registre de l’état civil de la Mairie de Corny. Au recensement de 1881, Joseph Leroy apparaît encore au château, seul avec une employée de maison. 

Joseph Leroy décède le 9 juillet 1883 ; il habite aux Andelys à la date de son décès, qui est enregistré à l’état civil de cette commune. Dans sa succession, on ne trouve pas mention du château, qui est sans doute déjà vendu au futur propriétaire. On trouve dans cette succession deux mentions des futurs propriétaires : d’abord « Créance sur Monsieur Vanloo père à Corny », puis « créance sur Mr Vanloo de Paris résultat de contrat de vente », qui va s’avérer être notre nouveau propriétaire… Si le contrat de vente est signé en février 1882, il semble qu’au décès de Joseph Leroy, le paiement n’est pas complet, puisque des intérêts courent encore en 1883.

succession Leroy Joseph Corny Eure (détail)
 Archives départementales de l'Eure

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