mercredi 17 mars 2021

Histoire du château de Corny (6) Famille Biclet (1926–1948) et Famille Lebougault (1926–1935)

Le château dans les années 30 : 

carte postale ancienne 1930 château corny eure

Cette carte postale date des années 1930, et montre le château après des travaux menés probablement par la famille Biclet : un enduit de fausses pierres meulières recouvre désormais le parement de briques.

Il est difficile de dater précisément cette photographie. Toutefois, l’état du jardin qui n’est pas entretenu pourrait laisser penser qu’il s’agit de la deuxième partie des années trente, après le décès du propriétaire M. Biclet en 1934.

Les personnages au 1er plan pourraient être le cultivateur qui occupait la maison de gardien et les dépendances du château, ainsi que ses enfants (il en avait 9 en 1936) avec peut-être d’autres enfants de l’école toute proche. 

carte postale ancienne 1930 château corny eure  détail


Famille Biclet (1926–1948)

Emile-Henri Biclet naît le 9 avril 1882 à Commequiers dans le canton de Saint-Gilles-sur-Vie en Vendée. Issu d’une famille modeste - son père est facteur - il va, à la suite de ses deux frères aînés, Auguste et Joseph, faire des études d’ingénieurs à l’Ecole des Arts et Métiers d’Angers.  Il épouse Marguerite Saurat à Bourgneuf-en-Retz le 10 septembre 1906.

carte postale ancienne imprimerie Lancey

Auguste Biclet, l’aîné de la fratrie est recruté en 1904 comme directeur général des papèteries Bergès dans l’Ariège, et fait venir ses deux frères Joseph et Emile dans l’entreprise : c’est ainsi qu’Emile Biclet commence sa jeune et brillante carrière de directeur technique. Les usines de l’Ariège se développent considérablement sous l’impulsion des trois frères pour devenir la société des Papèteries de France, dont le siège sera établi à Paris, où la famille Biclet s’installe. En 1925, Emile Biclet, sa femme Marguerite et ses deux filles, Jeanne (née en 1907) et Thérèse (née en 1910), achètent le château de Corny qui devient leur résidence secondaire. En 1927, naît une troisième fille, Geneviève, surnommée Ginette.

Après le passage d’Elisabeth Hugues, les dépendances sont organisées comme une petite ferme, et l’exploitation continue à l’arrivée des Biclet, qui la confient ainsi que la maison de gardien à René Lebougault et sa femme Olga, née Gentès, fille de l’institutrice du village, comme en témoigne les registres de recensement dont celui de 1931 ci-dessous : 

Registre recensement 1931 Corny eure
Recensement 1931 - Archives départementales de l'Eure

Selon les années, les registres fonciers du village de Corny font état de la possession d’1 ou 2 chevaux, et d’une voiture attelée. Monsieur Roland Lebougault, qui était né en 1928 dans la ferme du château, se souvenait de son père allant avec cette calèche chercher la famille Biclet à la gare toute proche de Saussay-la-Campagne (anciennement appelé Saussay-La-Vache), et aussi des sorties que la famille faisait dans cette même voiture dans les rues du village. Madame Geneviève Biclet (« Ginette ») née en 1927, se souvenait encore en 2020 de la traite des vaches à laquelle le petit Roland Lebougault âgé de 5 ou 6 ans l'initiait.

Carte postale ancienne saussay gare 1900

Toujours grâce à Monsieur Roland Lebougault, on sait que la ferme comptait deux chevaux, huit vaches, des cochons et de très nombreuses volailles, que Mme Olga Lebougault préparait pour la famille Biclet lorsqu’elle venait au château. 

M. Emile Biclet occupait des fonctions importantes à Paris, mais cela ne l’empêcha pas de s’impliquer dans la vie du village. Il se présente aux élections de 1929 sur la liste municipale en 4eme position. Il fait même face, lors de la désignation du maire par le conseil municipal, au sortant M. Dubois, qui retrouve sans difficultés son mandat avec 7 voix contre 3. M. Biclet assistera à plusieurs conseils municipaux, jusqu’à sa mort soudaine survenue à Paris le 25 décembre 1934. 

bulletin de vote election municipale 1929 corny eure
Archives de la Mairie de Corny

Marguerite Biclet se retrouve donc veuve fin 1934, et décide de mettre en vente le château, mais il lui faudra attendre 1948 pour s’en défaire, en raison de la minorité de sa dernière fille qui suspend la succession et empêche la mise en vente.

La famille Lebougault quant à elle quittera la maison de gardien et la ferme en 1935 pour aller habiter un peu plus loin dans la rue Saint-Jean, en direction du hameau de Frenelles. Monsieur René Lebougault, souffrant d’une malformation d’un bras et étant soutien de famille (il est père de 9 enfants) ne partira pas à la guerre en 1939. Il décèdera en 1944 du diabète, ne parvenant pas pendant l’occupation à trouver l’insuline dont il avait besoin pour se soigner. 

En 1939, la mairie de Corny reçoit cette lettre de Mme Marguerite Biclet, annonçant qu’en cas d’alerte et, on l’imagine, d’évacuation de Paris, elle se rendrait dans le château avec sa famille : 

Archives de la Mairie de Corny

Il ne semble pas finalement que la famille Biclet soit venue à Corny pendant la guerre. Au contraire, la maison de gardien et le château seront réquisitionnés à plusieurs reprises pour héberger des réfugiés en 1939-40, mais aussi des allemands en 1941-42 (selon Monsieur Lebougault, les soldats venaient du front russe) et au printemps 1944.

Ainsi en mars et tout début avril, des troupes allemandes se sont installées dans le village. Le Château, au même titre que les autres maisons bourgeoises du village, est réquisitionné pour loger des officiers. On trouve dans les archives de la Mairie une réclamation du maire de Corny, M. Dubois, qui signale que dans « trois des immeubles occupés (…) la plupart des meubles pour ne pas dire la totalité sont disparus ».

Il semble que les allemands pendant leurs séjours au château se soient aussi très généreusement servis dans la cave et, qu’ivres, ils aient tiré avec leurs armes un peu partout, laissant des impacts de balle dans les portes d’entrée, d’après les souvenirs de Geneviève Biclet, la cadette des trois filles. 

M. Roland Lebougault se souvenait lui aussi des allemands saouls tirant en l’air dans les rues du village, au grand dam des habitants qui craignaient que les alliés ne les remarquent et ne bombardent le village.

Cette petite annonce immobilière publiée dans le journal « L’œuvre » du 13 novembre 1938 fait peut-être référence au château, en vente pour 15000 Francs, plus les dépendances et le terrain. Une révision du cadastre en 1934 a en effet divisé la propriété en 3 parcelles :

détail cadastre 1934 corny eure

La famille Biclet ne pourra finalement pas vendre le château avant 1948, leur dernière fille Geneviève ayant atteint sa majorité, de 21 ans à l’époque. 

C'est ici que s'arrête cette série d'articles consacrée à l'histoire des premiers propriétaires du château de Corny. Après 1948, il connaîtra encore au moins 6 propriétaires différents, jusqu'à aujourd'hui, où ses propriétaires lui redonnent une deuxième vie ! 

chateau corny eure 2011
Le château en 2011

4 commentaires:

  1. je me souviens.
    Quand j'étais petit enfant nous allions au château .Ma grand mère Olga s'occupait toujours des "communs". Mon arrière grand mère , l'institutrice était encore vaillante J'ai passé quelques nuits au château et ses bruits bizarres. Vent, souris, fantômes ? Que de magnifiques souvenirs, piano, rosiers, charrette à cheval tout était magnifique. j'aurais aimé acquérir cette demeure, mais je n'en ai pas eu l'opportunité.
    .
    René Lebougault

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    1. Bonjour Monsieur Lebougault
      Merci pour votre témoignage. N'hésitez pas à nous contacter à l'adresse mail eglisedecorny@gmail.com si vous passez par Corny.
      Cordialement

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  2. Bonjour,
    Je suis Loïc Faverjon, le petit fils de Geneviève Biclet (mariée Faverjon).
    Nous venons de lire l'article.
    Ma grand-mère est curieuse de connaître l'auteur.
    Merci pour la nostalgie.

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    1. Bonjour M. Faverjon,
      N'hésitez pas à m'envoyer un message à eglisedecorny@gmail.com pour que je puisse vous répondre.
      Cordialement

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