C’est en tournant les pages du registre d’état civil de l’année 1921 pour le village de Corny que l’on découvre un acte de naissance marqué de la mention suivante :
Mort pour la France le
25 septembre 1945 à
Fraulautern (Allemagne)
Cette mention apparaît sur l’acte de naissance de René Chatelain, que nous allons évoquer dans cet article, à la veille des commémorations des 80 ans de l’armistice du 8 mai 1945.
René Marcel Jules Chatelain est né le 10 juillet 1921 à Corny, hameau de Frenelles, de Roger René Chatelain, né à Poissy en 1897 et de Madeleine Plaisant née à Corny en 1902. Madeleine Plaisant nous est connue par une carte postale évoquée dans cet article : elle est l’une des trois filles Plaisant photographiées dans plusieurs endroits du village par Alphonse Lavergne de Vernon pour ses éditions de cartes postales au début du XXe siècle.
Si René Chatelain est bien né à Corny, il est très probable qu’il n’y ait pas vécu très longtemps. Né en juillet 1921, il n’apparaît pas dans le recensement de Corny de 1921 où ses deux parents sont listés seuls au hameau de Frenelles. En consultant le recensement de Gisors de 1936 où la famille finira par s’installer, on peut suivre en partie ses mouvements dans les années 1920, sans doute au gré des emplois proposés au père de Réné, Roger Chatelain, signalé dans les recensements comme journalier, maçon puis ouvrier des Ponts et Chaussées.
Ainsi après René, 3 autres enfants naissent : Jeanine en 1924 à Pont-Audemer, Serge à Boisemont en 1931 (on retrouve en effet Madeleine Plaisant avec ses enfants mais sans son époux chez ses parents Jules et Berthe Plaisant sur le recensement de Boisemont de 1931) et Jack à Louviers en 1933.
Les archives militaires au Service Historique de la Défense (SHD) de Caen conservent un “dossier de décès”, qui contient entre autres documents le compte rendu des circonstances du décès de René Chatelain rédigé par l’un des soldats qui l’accompagnait sur cette mission, à Fraulautern, petite commune située à quelques kilomètres de Sarrebruck, près de la frontière franco-allemande :
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@ Service Historique de la Défense, cote 21P 43052 |
René Chatelain était un jeune Sergent engagé au 1er Régiment d’Infanterie pour réaliser des opérations de déminage depuis octobre 1944. Il n’en était pas à son premier engagement pour la libération du pays, et les archives conservées au SHD de Vincennes nous en disent un peu plus sur ses années de guerre. On trouve en particulier ce formulaire de demande de citation militaire rédigé par ses supérieurs :
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@ Service Historique de la Défense, cote 16P 123480 |
René Chatelain épouse le 13 avril 1943 Armandine Danieau au Perrier, en Vendée. C'est ce dernier lieu de résidence au moment de son incorporation qui fut pris en compte par les autorités militaires et c’est donc sur le monument aux Morts de cette petite commune qu'est gravé le nom de René Chatelain. On le retrouve aussi sur le monument aux morts de Gisors, où ses parents, on l'a vu, étaient établis, au milieu des noms des soldats morts entre 1939 et 1945.
Dans la tombe familiale de la famille Chatelain au cimetière de Gisors sont enterrés la mère de René, Madeleine Plaisant, morte en 1939, son père Roger Chatelain, mort en 1987, et sa 2e épouse Lucie Tassus morte en 1961. La pierre tombale, sans doute refaite dans les années 1980, porte la mention “René Chatelain, Mort pour la France”, ainsi qu’une plaque avec la mention “Regrets” en vis à vis de cette photographie du jeune homme :
Près de 80 ans après sa disparition, rendons-lui hommage ici.
Au fur et à mesure de la libération des territoires du joug nazi, le déminage occupa de nombreux soldats alliés et prisonniers allemands de 1945 jusqu'à la fin de l'année 1947. "Il y eût au moins 1 800 démineurs morts parmi les Allemands et 500 du côté français. Le nombre de blessés est difficile à évaluer, alors que les séquelles des blessures étaient très invalidantes (membres arrachés). " (source : https://www.cheminsdememoire.gouv.fr/fr/le-deminage-de-la-france-apres-1945)