Après le décès de Marie Anne Victoire Lachartre en 1869 (voir l'article précédent), ce sont donc Alphonse Etienne Lachartre, son épouse Georgine Thiberge (née en 1833 aux Andelys, ils s'y sont mariés le 28 janvier 1851), et leurs deux enfants Alphonsine et Blanche (toutes deux nées à Paris) qui occupent la propriété, employant toujours la famille Avice comme gardien ; c'est ainsi qu'ils apparaissent dans le recensement de l'année 1872.
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| Recensement de 1872 (Archives de la Mairie de Corny) |
Alphonse Etienne Lachartre est né le 12 juin 1824 à Corny. Son état civil place le prénom Etienne en premier, toutefois, comme cela arrive souvent à l'époque, il se fait appeler Alphonse, et Etienne devient alors son 2e prénom, ainsi qu'il apparaît sur les différents registres de Corny. Comme son frère aîné Adolphe-Lucien Lachartre, Alphonse suit des études de pharmacien. Il habite au 5 rue des Charbonniers (actuelle rue Hector-Malot, dans le 12e arrondissement de Paris) et il reçoit une médaille d'honneur en 1849 pour son dévouement en tant qu'élève-pharmacien dans la lutte contre la pandémie de choléra qui fait rage dans le monde entier de 1846 à 1860.
En 1850, il s'associe avec son frère pour créer la société Lachartre Frères, et ils ouvrent ensemble une pharmacie au 65 rue Neuve-des-Mathurins qui, après la modification de cette rue en 1862 et 1881, deviendra le 19 rue des Mathurins, dans le 8e arrondissement. On trouve dans la presse de l'époque des publicités pour des produits vendus dans cette pharmacie :
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| en 1851 |
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| en 1891 |
On peut supposer qu'Alphonse Lachartre profite de la présence dans le village de la briqueterie de son voisin et maire du village Joseph Leroy dans les années 1870 pour améliorer son confort : le registre des mutations foncières indique une démolition partielle de la maison en 1876, et une reconstruction en 1877 : l'imposition qui portait en 1875 sur 21 fenêtres passe deux ans plus tard à 30 fenêtres. D'après le cadastre de 1934 conservé à la mairie, il semblerait qu'il ai reconstruit entièrement la maison en la centrant cette fois sur l'ensemble des parcelles, et en ne gardant qu'une petite partie de la construction précédente.
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| Détail du plan du cadastre de 1934 (Archives de la Mairie de Corny) |
C'est à cette même période que la parcelle de terrain derrière la maison s'agrandit suite à la modification du tracé du chemin qui la borde. Un morceau de l'ancien mur de clôture reste visible sur le terrain actuel, envahi de végétation. On en aperçoit le tracé sur le plan ci-dessus ; il sépare les parcelles 57 et 58. Si le nouveau tracé du chemin semble bénéficier à Alphonse Lachartre, les relations entre les deux voisins vont se tendre considérablement à quelques pas de là, lors d'une séance du Conseil Municipal...
Alphonse Lachartre devient en effet conseiller municipal à partir de janvier 1875 au début du 3ème mandat de Joseph Leroy. A la 1ère séance du conseil nouvellement élu, Alphonse Lachartre commence à lire une déclaration au nom de plusieurs conseillers contestant les décisions prises par Joseph Leroy sur la rectification des chemins et des sentiers du village. Joseph Leroy interrompt Alphonse Lachartre, lui impose le silence, et devant les protestations d'autres conseillers, les fait sortir de la Mairie. Les conseillers municipaux s'en plaindront par écrit au Sous-Préfet, au Préfet et jusqu'au Ministre de l'Intérieur ! Joseph Leroy expliquera dans une lettre au préfet que la séance avait duré 4 heures, et qu'il l'avait levée, "ayant besoin de repos". Quand Alphonse Lachartre, qui avait fait preuve avec ses "adhérents" d'une "opposition systématique" pendant tous les débats, voulut lire sa déclaration, Joseph Leroy le lui refusa et le renvoya à une prochaine séance. Au final, Joseph Leroy dut sans à ses relations en hauts lieux (un témoignage le cite se vantant dans un café avoir serré la main du ministre) de ne pas être révoqué, mais de présenter sa démission, à la demande du Préfet de l'Eure.
Au décès du maire Louis Bertaut, Alphonse Lachartre est élu maire, le 11 février 1877, jusqu'au 15 septembre 1878, date à laquelle il redevient simple conseiller municipal. Aux scrutins suivants, il est régulièrement crédité d'une voix mais les autres membres du Conseil Municipal lui préfèrent à chaque fois Emile Raban.
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| Extrait du registre du conseil municipal, 1878 (Archives de la Mairie de Corny) |
Il restera conseiller municipal, bien que plus souvent absent aux réunions, jusqu'en 1902.On trouve aux Archives départementales de l'Eure sa lettre de démission du conseil Municipal, datée du 18 août 1902, qu'il motive en ces termes ; "Je soussigné Lachartre Alphonse (...) âgé de 78 ans, d'une santé laissant beaucoup à désirer (...) vous prie Monsieur le Préfet de vouloir bien accepter ma démission de conseiller municipal".
A son décès, c'est sa femme qui devient propriétaire : On la retrouve ainsi sur le recensement de 1906 habitant la propriété avec une domestique, Hélène Mutel, âgée de 20 ans. Elle décède à son tour le 6 février 1913. La maison revient alors à la fille aîné du ménage, Marie Alphonsine, épouse Pillas, puis à la fille de celle-ci, Marcelle Pillas qui s'en séparera au milieu des années 30, après plus d'un siècle d'occupation par des Lachartre.
Elle vendra son bien au profit d'une famille Rojare, qui deviendra propriétaire à cette époque et le restera pour les 4 ou 5 décennies suivantes... La carte de visite ci-dessous, conservée dans les archives de la mairie de Corny, témoigne de l'arrivée au village de cette famille à la veille de la guerre 1939-40.
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| Détail du plan satellite IGN (2020) |
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