mercredi 19 février 2020

Où est le presbytère de Corny ?...

corny eure 27 le presbytère

C'est une bien longue histoire... 

Au commencement, disons à la révolution, la maison qui se trouve accolée à l'actuelle mairie, mitoyenne du chœur de l'église et du cimetière a fait office de presbytère : des notes prises par Mme Chefneux, épouse du maire du village dans les années 1950, donnent l'historique suivant : 

  • Avant 1790 : maison du vicaire à la fabrique de Corny
  •  1791 : maison commune, masure, maison des représentants du peuple français
  • 1796 : propriété de Noël Thezard.

Avant cela, madame Chefneux situe face à la mare, parcelle n°7 du plan du XVIIIe siècle, un "manoir prebytéral aux archevêques de Rouen" qui serait mentionné en 1620 (source ?).  En avril 1829, le conseil municipal rachète la maison mitoyenne au cimetière à Mr Thezard pour en faire le presbytère "dont la commune est privée, ce qui est un motif puissant pour ne pas avoir de prêtre". On trouve encore dans le mur mitoyen du cimetière la trace d'un portail aujourd'hui muré qui reliait les deux parcelles.

photo mur mitoyen cimetiere mairie corny 27

Il faut attendre 1844 pour que la commune de Corny achète à M. Pierre Amable Rodolphe Conard le terrain comprenant un jardin potager, un jardin anglais, une cour et un enclos, avec une maison comprenant une chambre, une salle à manger, une cuisine, un salon, deux mansardes et une cave, ainsi que de nombreuses dépendances, juste en face de l'église et de la mare, pour un montant de 4 800 francs. Il s'agit là de la parcelle n°7 du plan du XVIIIe siècle, c'est à dire celle où se trouvait avant la révolution le manoir presbytéral. La commune avait, selon les notes de madame Chefneux, vendu cette même propriété à M. Conard en 1842 pour 2 800 francs : l'art de la plus-value immobilière n'est pas d'aujourd'hui...

Aujourd'hui, on en aperçoit toujours un reste de mur en brique et en silex, qui fut probablement construit à la fin des années 1850 ; on aperçoit les deux piliers de la grande entrée et un petit portail muré. Le plan du XVIIIe siècle déjà cité et conservé aux Archives départementales de l'Eure permet de situer précisément le terrain du 1er presbytère à coté de l'église, et celui de la propriété de M. Conard, juste en face :


"Corny : Seigneuries de Corny, Huval et Lamarette : terrier et plan" (détail),

2e moitié du XVIIIe siècle, Archives départementales de l'Eure (cote 2F/2488) 


Entre 1860 et 1890, le presbytère fait l'objet de très nombreuses délibérations du conseil municipal... Avant la séparation de l'Eglise et de l'Etat par la loi de 1905, si les édifices religieux appartenaient au clergé, il revenait aux communes d'assurer et d'entretenir le logement du curé ou du desservant ; le presbytère de Corny n'y faisait pas exception. Toutefois, des relations compliquées avec l'évêché d'Evreux, auquel Corny fut rattaché après la révolution, furent à l'origine, en cette fin du XIXe siècle, de nombreuses hésitations, décisions et contre-décisions quant au devenir du presbytère.


Ainsi en 1877, le Conseil Municipal envisage de « supprimer la partie Est du Presbytère pour conserver celle des pièces qui est située sur la cave, ainsi qu'une partie de celles y attenant, destinées, l'une à servir de salle à manger et de chambre et l'autre de cuisine. ». Il s'agit toujours de notre "parcelle n° 7"...

En 1878, le Conseil Municipal propose cette fois de détruire entièrement le vieux presbytère, alors en très mauvais état, pour reconstruire un local plus modeste mais permettant ainsi au desservant de la commune de disposer d'une chambre à coucher :
« L'an mil huit cent soixante dix-huit, le Dimanche onze Août à midi, (...)
M. L'adjoint expose au conseil qu'il a à statuer sur une requête du desservant et une délibération du Conseil de Fabrique ayant pour objet d'obtenir de l'administration l'autorisation de démolir le presbytère dont le délabrement nécessiterait de grands frais de réparation, d'en vendre les matériaux dont le prix servirait à subvenir aux frais de construction d'un local au service de chambre à coucher pour l'usage du desservant.
»

Les devis sont demandés, les plans dressés, et les archives de la Mairie de Corny conserve encore ce projet de reconstruction :

plan et élévation projet presbytère corny 27
 
Plan et élévation, Archives de la mairie de Corny

Quatre ans plus tard, voilà qu'il n'en est plus question... Dans une délibération votée le 5 mars 1882, le conseil municipal ne parle plus de construire un nouveau presbytère, mais seulement de détruire l'actuelle maison en ruine, et de reprendre possession et jouissance de la propriété au bénéfice de la commune. 
« L'an mil huit cent quatre vingt deux le cinquième jour du mois de mars, à onze heures du matin, (...)
M. le Maire expose au conseil municipal que la commune de Corny est privée d'un prêtre depuis douze années. Depuis cette époque, la commune est desservie et depuis que le presbytère n'est plus habité, il est dans un état de délabrement auquel il n'est pas possible de pouvoir le conserver plus longtemps dans cet état.
Considérant d'autre part que la commune est si mal desservie, que d'un autre côté il ne vient dans la commune qu'une fois par hasard, il demande au conseil municipal de prendre possession du presbytère.
Le conseil, appelé à délibérer
vu d'une part l'état dans lequel il se trouve, considérant que la commune n'est pas desservie puisque le desservant ne vient célébrer les offices dans cette commune que quelquefois en trois mois.
Estime qu'il y a lieu de ne pas laisser cette pro priété plus longtemps à la possession du desservant et qu'il est urgent de demander à l'autorité de rentrer en possession du presbytère.
Par sept voix contre une la présente demande est adoptée.
»

La délibération est envoyée au Préfet, qui en informe l'évêché, qui répond au Préfet, qui fait suivre au maire...
« L'an mil huit cent quatre vingt deux le 21 mai à 7 heures du matin, (...)
M. le Maire donne lecture au conseil municipal d'une lettre de Mgr l’Évêque d’Évreux, adressée à M. Le Préfet en réponse à une délibération du Conseil Municipal de Corny, lequel demandait à rentrer en possession du presbytère.
Après cette lecture, le conseil entre en délibération et émet ce qui suit :
Le domaine presbytéral se compose d'une maison d'un jardin et d'un verger. La maison n'est pas habitable, et il est reconnu qu'aucune réparation ne peut être faite à cette habitation, mieux vaudrait une construction.
Mais, après les considérations qui seront relevées plus bas, la commune n'attend pas faire aucun frais au presbytère actuel, en vue de fournir un logement au desservant. Et pourquoi ?
Malgré toute l'exactitude que l'autorité diocésaine se plaît à reconnaître dans le desservant, il est un fait qu'il est impossible de nier, et que le conseil aujourd'hui ne peut qu'affirmer de nouveau, c'est que le prêtre ne remplit pas ses fonctions avec la régularité qu'on lui attribue. Un exemple du reste, confirmera ce que la municipalité affirme. Pendant cinq mois l'année dernière, du mois de juillet à la fin de novembre, la paroisse de Corny a été déshéritée de tout office. La loi n'exige pas du desservant de célébrer la messe le dimanche, mais elle l'oblige de venir au moins une fois la semaine remplir les fonctions de leur Saint ministère. A ce point de vue, le conseil affirme encore que pendant ces cinq mois, le desservant n'est pas venu une seule fois pendant la semaine.
La municipalité, considérant toutes ces choses, n'est donc pas favorable au projet de Mgr l’Évêque d’Évreux, qui voudrait que l'assemblée fabricienne de Corny, prit des mesures en vue de rendre possible la jouissance du presbytère.
»

La délibération continue avec une proposition d'utiliser la maison de l'instituteur, qui occupe l'ancien presbytère, comme nouveau presbytère, et de construire, sur le terrain de l'actuel presbytère en ruine, une nouvelle maison - école permettant d'accueillir les enfants du village dans de meilleures conditions.

Il n'en sera finalement rien et, enfin (!), en novembre 1884, le Préfet de l'Eure donne raison au Conseil Municipal de Corny, qui peut disposer librement du presbytère en ruine et de son terrain. Le Conseil municipal, « pour que le prêtre ne soit privé d'une ressource qui lui est due, vote en compensation une indemnité annuelle de cent francs à titre d'indemnité de logement. »
 

Le presbytère sera finalement vendu en 1907 à un habitant du village, M. Engelbert Alexandre Cercelot, avec, comme le plan dressé pour la vente et conservé aux Archives départementales de l'Eure le montre, de nombreux bâtiments... en ruines.



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